L’HISTOIRE DE LA NYMPHE ECHO

(OVIDE – METAMORPHOSES, LIVRE III, 356-401)

Echo aperçoit Narcisse qui pousse dans ses filets les cerfs tremblants. C’est la nymphe à la parole singulière, celle qui ne sait pas se taire, ni parler la première, c’est Echo, qui renvoie les sons. Echo avait alors un corps et n’était pas seulement une voix. Pourtant cette bavarde parlait comme maintenant : elle ne pouvait que renvoyer les derniers mots des phrases prononcées.

Junon en était la cause. Alors que la déesse aurait pu souvent surprendre les nymphes couchées dans la montagne avec Jupiter, Echo la retenait habilement par de longs discours jusqu’à leur fuite. Après s’en être aperçue, la fille de Saturne lui dit : « cette langue, par laquelle tu m’as abusée, j’en diminue le pouvoir et je te réduis au maximum l’usage de la voix ». Et elle mit ses menaces à exécution. Depuis ce moment, la nymphe répète seulement la fin des paroles entendues.

Donc, quand elle voit Narcisse errer à travers champs et qu’elle s’enflamme, elle suit à la dérobée ses traces. Plus elle le suit, plus elle brûle de désir, tout comme le souffre vif en haut des torches à l’approche des flammes. Combien de fois elle a voulu l’aborder avec des mots caressants et lui adresser de tendres prières. Mais sa nature s’y oppose et ne lui permet pas de prendre l’initiative. En revanche, elle est prête à attendre les paroles auxquelles elle répondra par ses propres mots, et cela lui est permis.

Un jour, le jeune garçon, séparé de la troupe fidèle de ses compagnons, dit : « Y-a-t-il quelqu’un ? » Et Echo a répondu : « Quelqu’un ». Stupéfait, il regarde de tous les côtés et crie d’une voix forte « Viens ». Elle appelle à son tour celui qui l’appelle. Il se retourne et une fois encore comme personne ne vient, il demande : « Pourquoi me fuis-tu ? » Et il reçoit en retour les mêmes paroles. Il insiste et trompé par l’apparence d’un dialogue, il lance : « Réunissons-nous-là ». Echo, non sans un plaisir extrême, renvoie « Unissons-nous-là ». Emportée par ses propres mots, elle sort de la forêt pour jeter ses bras autour du cou désiré. Celui-ci s’enfuit avec ces mots : « Arrête de m’étreindre ! Plutôt mourir que d’être à toi ». Elle renvoie seulement « Etre à toi ».

Repoussée, elle se réfugie dans les forêts et cache son visage honteux derrière les feuillages. Désormais elle vit seule dans des grottes. Mais pourtant son amour reste ancré en elle et grandit avec la douleur de son échec. Le tourment qui la tient éveillée exténue son corps malheureux, sa maigreur contracte sa peau, et toute sa vitalité s’évapore dans les airs. Seuls subsistent sa voix et ses os : sa voix demeure, et ses os, dit-on, prennent l’apparence de la pierre. Depuis ce moment, elle se cache dans les forêts : personne ne la voit dans la montagne, mais tout le monde l’entend : c’est le son qui y demeure.

Texte traduit par Damien Charron
Avec les conseils de Robert Willaime
Pour une lecture publique